Je ne pensais pas revenir si vite sur cette course, après le sentiment mitigé que m’avait laissé l’édition 2012. Et puis, une discussion un soir d’octobre et une envie commune de retourner à Lyon m’ont fait replonger ! Heureusement, il restait de la place dans la Team Runnosphère car les inscriptions étaient déjà closes. Heureusement, car j’ai vécu cette course comme un rêve éveillé.
Avant-course en famille
Je descends à Lyon avec ma petite famille. Dans le TGV, nous voyageons avec Julien, qui vise un “beaucoup” moins de 9h pour sa 3e Saintélyon. Cette année, pour les 60 ans de la l’épreuve, la distance a été portée à 75 km, avec du dénivelé en plus et un parcours en grande partie renouvelé pour emprunter d’anciennes sections de la SaintéLyon. Les conditions risquent aussi d’être difficiles : il a beaucoup neigé environ deux semaines avant la course, et depuis, il y a une alternance de redoux pendant la journée et de gel la nuit. On nous promet donc une nuit glaciale, encore un peu de neige sur les hauteurs, et du verglas entre Sorbier et Sainte-Catherine. Un parfum de 2012 en somme…
A Lyon, je m’allonge sans pouvoir m’endormir pendant une petite heure. Puis après une petite promenade dans le quartier de la Croix-Rousse, je laisse Clara et Nina pour me diriger vers Gerland. Les embuches du métro lyonnais un soir de Fête des Lumières déjouées, j’arrive sur place.
Gerland, retrait des dossards
17h00. Le retrait des dossards est très rapide (j’ai heureusement un dossier complet). Je traverse rapidement le village pour retrouver mes camarades de la Runnosphère & Friends. Pour cette 60e édition de la Saintélyon, tous les concurrents reçoivent un livre spécialement édité pour l’occasion.
Puis, avec Jean-Pierre, Greg et Philippe nous gagnons l’espace presse. Un endroit calme et relaxant comparé à l’effervescence qui règne en bas. Nous avons même droit à un petit buffet dinatoire avant de partir.
L’attente avant le départ
20h00, nous sommes dans la navette. On papote avec Greg jusqu’à Saint-Etienne. Une heure de route plus tard, nous sommes perdus à St Etienne. Le chauffeur nous gratifiera d’un demi-tour express avec saut de trottoir en prime ! Quelques minutes après, nous pénétrons dans le hall réservé aux coureurs. C’est déjà blindé de monde partout : dans les gradins, par terre, sous les tribunes… Nous faisons le tour, puis nous posons dans un coin. Je m’allonge pour un petit repos de 45 minutes, bonnet sur les yeux. Impossible de vraiment dormir bien sur, mais ce petit moment de calme relatif était important.
22h15, on entame les préparatifs. Je m’habille : corsaire, manchons sur les chevilles (que je pourrai remonter si j’ai froid), craft et t-shirt manches courtes, buff, bonnet, gants, chaussures (XT-Wings 2), frontale. Evidemment, l’Ambit et son cardio. J’ai une première couche de rechange dans le sac, ainsi qu’une polaire sans manches. Je prends aussi le coupe-vent ultra léger qui a le gros avantage de pouvoir être passé par dessus le sac, et donc pouvoir être mis et enlevé très rapidement. Je reviendrai plus en détail sur le matériel dans un second billet. J’accroche à mon sac mon petit “plan de course” avec le profil de la course.
Je n’emmène finalement pas les chaines ezyshoes ni les guêtres, préférant miser sur la légèreté (et un enneigement réduit). C’est un pari, mais comme je pars léger aussi au niveau de la tenue, j’ai peur d’avoir froid juste en mettant les chaines. Et puis, il parait que le verglas, “c’est dans la tête”. Tout le monde est prêt, direction les camionnettes qui ramènent les sacs à Lyon. C’est très bien organisé : une camionette par tranche de 500 dossards. Rapide et efficace.
Nous tombons par hasard sur Franck et son pote Romain en revenant vers le hall. Ça fait plaisir de revoir Franck qui vient à présent sur cette course en voisin ! Dans le hall c’est Laurent, puis Kejaj que nous retrouvons. Et enfin nous retrouvons Julien, Mr SaintéLyon et son pote.
23h30. Nous patientons encore un peu dans le hall, avant de ressortir dans le froid pour aller nous placer dans le sas de départ. Je suis mes amis de la Runnosphère dans le sas 7-9h. Moins de 9h relève un peu de l’utopie pour moi, mais c’est quand même sur cette base que j’ai établi mon plan de course. Au moins je suis bien placé dans le sas. Et puis c’est plus sympa d’attendre tous ensemble !
Je suis détendu mais concentré. Je sais où je vais, même si je trimballe quelques doutes sur mon habillement un peu léger et donc la peur d’avoir froid et aussi sur le verglas qui nous attend là-haut. Ma fréquence cardiaque plutôt basse reflète cet état de sérénité.
Départ !
0h00. C’est parti ! Sitôt la ligne franchie (à peine une minute après les élites), je laisse partir les autres à un rythme bien trop élevé pour moi. J’avance dans les rues de Saint-Etienne à 11 km/h, avalant les faux-plats en douceur. Malgré “l’effet pingouin” dans le sas, j’ai le bas du corps si froid, que je me sens à peine courir. Sensation un peu étrange qui va s’estomper à mesure que mon corps monte en température. J’ai enlevé le coupe-vent sitôt la ligne franchie, j’ai donc simplement 1 couche et demie sur moi.
Dans la montée de Sorbier, je commence à transpirer un peu. Le rythme chute. Je marche un peu dès que la pente devient trop raide. Les frontales sont à présent allumées, nous quittons les lumières rassurantes de la ville. Je me sens bien physiquement et toujours confiant. Je m’inquiète un peu de voir que la transpiration évacuée par mon craft gèle instantanément à la surface de celui-ci. Je me demande ce que cela va donner plus tard. Dans la montée, je suis rattrapé par Jean-Pierre, qui a préféré rester bien au chaud le plus longtemps possible. Parti du fond du sas, il a vite remonté tout le peloton. Il me lache avec facilité dans cette côte pourtant difficile et le sol gelé. Je le dépasserai 30 km plus loin sans m’en rendre compte.
Nous retrouvons la neige. Ce n’est pas la poudreuse de l’an passé, mais je regrette un peu de ne pas avoir mis les guêtres quand je la sens rentrer dans les chaussures. Je suis prudent dans les descentes parfois très piégeuses. Il y a de grosses plaques de verglas tellement lisses qu’y tenir debout relève de l’impossible. Je suis très concentré sur cette partie, essayant d’anticiper en regardant loin devant tout en contrôlant mes appuis. J’adapte aussi ma cadence de foulées, réduisant l’amplitude et augmentant la vitesse, pour avoir des appuis aussi brefs que possible. Cela marche assez bien. Quelques figures de style et rattrapages aux branches ou autres concurrents quand même, mais pas de chute !
Saint-Christo-en-Jarrest, je passe.
Km | D+ | D- | Temps | Classement | Evolution | |
---|---|---|---|---|---|---|
Saint Christo | 15,5 | 400 | 200 | 1h44:58 | 1604 | 0 |
Dans ma stratégie de course, je ne prévoyais pas de m’arrêter ici. Je continue donc en jettant tout de même un oeil sur l’intérieur de la tente, assez peu encombré en fait. Le profil est toujours ascendant, avec quelques descentes pour rompre la monotonie relative ! On atteint le point culminant de la course du côté de Moreau. Le paysage est couvert de neige, aussi loin que porte le faisceau de ma frontale. Il y a peu de vent, mais je préfère remettre mon coupe-vent. La sensation de chaleur est aussitôt réconfortante. Je ne vais pratiquement plus le quitter.
Je reste prudent dans la descente de Plein Pot, puis dans la belle et longue traversée descendante et glacée du Bois des Feuilles. Une nouvelle bosse, c’est déjà la descente vers Sainte-Catherine. Une rivière de boue. Je m’impatiente derrière un coureur qui change en permanence de direction pour éviter les grosses flaques. Et puis, hop je descends tout droit. Les premiers pas sont les plus durs, quand l’eau glacée pénètre dans les chaussures. Mais après, on s’y fait. J’ai beaucoup apprécié ce tronçon entre Saint-Christo et Sainte-Catherine, pratiquement entièrement renouvelé. Le verglas rendait pourtant cette partie très piégeuse et réclamait une grosse concentration.
Sainte-Catherine, 10 minutes d’arrêt.
Km | D+ | D- | Temps | Classement | Evolution | |
---|---|---|---|---|---|---|
Sainte Catherine | 29,6 | 844 | 665 | 3h33:50 | 1569 | -35 |
Je reste 10 minutes à ce ravitaillement. Deux gobelets de soupe chaude, un peu de pain d’épice et de saucisson. Et ça repart ! Mon genou droit commence à me faire un peu mal. Encore une grosse bosse, et puis c’est le bois d’Arfeuille qu’on prend cette fois dans le sens de la montée. Je me souviens de cette descente complètement verglacée de 2012 avec des coureurs éparpillés un peu partout, accrochés aux branches et malheureusement aussi des blessés sur le bas côté dans les couvertures de survie. Je suis assez content faire ça en montée cette année, même si à la fin, il faut presque y mettre les mains tellement c’est raide. En levant la tête de ses chaussures, on voit le serpentin lumineux qui monte dans la forêt… joli !!
Un peu de plat avant d’enchainer sur une longue descente vers Saint-Genou. J’ai maintenant franchement du mal à plier le genou droit. C’est une très jolie descente, assez roulante. La mi-course est passée et nous voilà au mini-ravito de Saint-Genou.
Saint-Genou.
Km | D+ | D- | Temps | Classement | Evolution | |
---|---|---|---|---|---|---|
Saint Genoux | 41,7 | 1225 | 1115 | 5h20:29 | 1480 | -89 |
Je ne voulais pas m’arrêter, mais il y a peu de monde alors, je mange et bois deux-trois trucs. Mais ça fait encore 5 minutes de laissées dans un ravito ! Je repars aussi vite que possible.
Parfois, en rase campagne, sur des portions de route en montée dans lesquelles je marche, j’éteins la frontale et lève la tête vers le ciel. Il n’y a pas un nuage. La lune s’est couchée avant le départ. La voute étoilée est magnifique.
Il y a aussi ces moments où le cerveau semble complètement déconnecté. Je marche dans une montée très raide. Je marche jusqu’à me rendre compte que je me fais dépasser par de nombreux coureurs, et pas que des relayeurs. Je réalise au bout de plusieurs secondes que la montée est finie depuis un moment et que c’est presque une descente là !
Encore de chouettes descentes, souvent techniques, se succèdent : le bois de la Gorge, puis le bois de la Dame. Etrange, mon genou a subitement cessé de me faire mal. Je profite de la montée du bois de la Dame pour faire une pause pipi. Ma lampe frontale choisi précisément ce moment là pour m’avertir qu’elle n’a presque plus de batterie (après 6h de course et 46 km, avec un réglage favorisant la puissance sur l’autonomie). Je profite donc du reste de la montée pour changer la batterie.
Nous sommes au milieu des champs, en approche de Soucieu. Il n’y a plus de neige depuis Sainte-Catherine, mais tout est gelé alentours. Ça craque sous les chaussures. Il subsiste encore quelques passages délicats, mais ça devient rare.
Je sais qu’à Soucieu, je m’arrêterai un moment, que j’écrirai un message à Clara pour la tenir au courant de mon évolution. Et puis, je ne sais pas pourquoi, si c’est le fait de penser à Nina, mais j’ai une comptine entêtante qui m’occupe l’esprit pendant quelques kilomètres, et que je me surprend même à fredonner doucement…
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Soucieu en Jarrest
Km | D+ | D- | Temps | Classement | Evolution | |
---|---|---|---|---|---|---|
Soucieu | 54,3 | 1496 | 1690 | 7h02:46 | 1344 | -136 |
Nous y voila. Il y a du monde dans les rues pour nous encourager, ça fait plaisir. Le spectacle de ce gymnase a toujours quelques chose de surréaliste. Il y a les tables du ravito bien sur, mais aussi des coureurs un peu partout, beaucoup sont allongés par terre, certains s’étirent, d’autres soignent des petits bobos, le tout dans un relatif silence. Je mange quelques tranches de saucissons et biscuits avec un verre de soupe puis de coca et me dirige vers un banc libre. Je m’assois et envoie un message à Clara. Et puis…ben je ne sais pas trop, mais je suis tiré de ma léthargie par un frisson glacé qui me traverse le corps. Je regarde la montre. 20 minutes que je suis là ! Vite, je change de première couche, et utilise la veste polaire sans manche en guise de seconde couche. Je sors et en voyant les robinets, je me rends compte qu’il faut que je remplisse ma poche à eau ! Rhaaa !!
Près de 25 minutes de laissées à Soucieu. Il est 7h30, il reste 21 km et d’après mon plan de course version utopie (9h), j’avais prévu 2h30 pour cette fin de course. C’est le temps qu’il va falloir que je fasse pour faire moins de 10h. Ça va être sacrement juste. Mais j’ai encore de bonnes jambes et je me lance dans cette course. Je sens que c’est possible ! Je dépasse les coureurs qui sont devant moi un à un. Au début, je les compte, mais ça me lasse au bout d’un moment. J’arrive à tenir les 10km/h de moyenne sur pratiquement les 14 km qui nous conduisent à Beaunant, profitant des descentes pour accélérer et marchant d’un pas rapide dans les quelques montées qui restent.
Le jour se lève petit à petit, et le soleil finit par émerger par dessus les montagnes. Le spectacle est total. Au passage, le soleil me réchauffe un peu le corps et l’esprit, c’est bien agréable.
Beaunant, Km 68
Km | D+ | D- | Temps | Classement | Evolution | |
---|---|---|---|---|---|---|
Beaunant | 68,3 | 1628 | 2005 | 8h52:27 | 1276 | -58 |
Je suis content d’arriver à Beaunant. Un peu moins quand je vois le panneau “Beaunant Km 68”. Je situais ce ravito à 5 km de l’arrivée, en fait il en reste 7. Bon, même ainsi, j’ai cumulé suffisamment d’avance pour être presque assuré de finir sous les 10h. Je prends donc 3 minutes pour me ravitailler un peu.
Il y a toujours ce mur à gravir, juste après le ravito. Pendant 1,5 km, il n’est presque pas possible de courir. Même les relayeurs marchent. Ces coureurs qui n’arrêtent pas de te dépasser pendant toute la nuit, avec leur dossard rouge. Même eux, ils marchent dans cette côte. En haut, je ne me sens plus aussi bien, j’ai les jambes un peu raides, et je crains un peu les crampes.
Mais ça va tenir. Moins vite hein, mais ça va tenir. Des marches à descendre. Beaucoup de marche. Vraiment beaucoup. On est sur le quai. Il faut remonter sur le pont par un escalier bien glauque. Et puis on traverse au niveau du nouveau musée de Confluence. C’est le final. On entre dans le parc de Gerland. Un mec me dépasse et me dis “viens suis moi, je t’emmène”. Je m’accroche à lui, mais je me rends compte que j’arrive encore à accélérer, alors je finis par le reprendre et le dépasser. Je luis dis de s’accrocher, mais il n’y arrive pas.
Gerland
Km | D+ | D- | Temps | Classement | Evolution | |
---|---|---|---|---|---|---|
Lyon | 75,0 | 1788 | 2210 | 9h47:09 | 1241 | -35 |
Les dernières centaines de mètres. J’aperçois Bastien, qui joue les photographes, après avoir courru la Saintéxpress, et qui m’accompagne un peu. Je pénètre dans le palais des Sports. L’arche d’arrivée est là. C’est fini. 9h47 et quelques. Saintélyon de Bronze. Mais ça n’a plus d’importance. Je cherche Clara et Nina dans la foule. Je les vois enfin et me hate vers elles. Je me sens si bien. L’émotion est intense, à la hauteur de la fatigue. J’ai l’impression de sortir doucement d’un beau rêve. Oui, c’est bon, je suis arrivé au bout des 75 km de la SaintéLyon. En bon état en plus. Et avec cette sensation grisante d’en avoir bien profité. Nina me regarde en souriant. Je la prends dans mes bras, je l’embrasse. Je suis arrivé.
Saintélyon de Bronze
Moins de 10h donc. Je suis super heureux. Cette nuit de course est finie. C’était bien, c’était beau, c’était dur. C’était la SaintéLyon. Ça donne envie de revenir, non ?
Merci !
Merci à tous ceux qui m’ont encouragé, motivé, soutenu avant, et pendant la course, avec mention particulière à ma petite famille, sans qui rien n’aurait été possible.
Merci à l’organisation et aux bénévoles. L’organisation, pour ce nouveau tracé que j’ai énormément apprécié, pour les efforts sur le vestiaire (camionnettes, vestiaire dans une tente à Lyon…), aux bénévoles pour leur gentillesse et parce que c’est dingue d’être bénévole toute une nuit de décembre dans le froid.